En pleine prise de conscience environnementale, vous êtes nombreux à faire le point sur l’origine et les kilomètres parcourus par vos aliments. Il est question de consommer des fruits et légumes de saison et de la région. Mais aussi de faire le tri et de bannir certains « essentiels » de la consommation courante qui génèrent trop de CO2 dans leur transport (oui oui! certains d’entre vous tentent d’arrêter le café et le chocolat!).

Plusieurs locavores nous ont demandé de proposer du sucre de betterave (produit en Europe) pour remplacer le sucre de canne produit en Amérique Latine. Moins de kilomètres parcourus, la démarche serait-elle forcément meilleure pour la planète? Pas si sûr.. Voici quelques éléments de réflexions.

  Le sucre pur que nous consommons est essentiellement produit par deux cultures : la betterave sucrière (Europe) et la Canne à Sucre (Amérique Latine et îles du Pacifique). Globalement, le processus de transformation et de raffinement est le même (voir schéma). La betterave représente 1/4 de la production mondiale de sucre et le sucre de canne 3/4. Pour autant, le sucre de betterave n’est pas forcément plus vert que celui de canne.

Le sucre de betterave : une réelle industrie

Les betteraves sucrières, ce sont des milliers et des milliers d’hectares de monocultures concentrées dans les départements du nord et de l’est de la France. Pour des productions de cette taille, pas question d’instaurer des principes d’agroécologie pour respecter les écosystèmes.

Les exploitations se concentrent autour des coopératives sucrières qui récoltent et transforment les betteraves en sucre. La saison de transformation commence en septembre et les usines tournent en continu jusqu’à fin décembre à raison d’une moyenne de 15 000 tonnes de betteraves transformées par jour par usine (équivalent de 3 000 hectares de culture). Pour avoir une idée sur le dimensionnement de cette industrie, cliquez ici, et ici!

Et le sucre de betterave BIO ?

Jusqu’ici, le sucre de betterave était forcément industriel car aucune raffinerie n’était dimensionnée de manière artisanale. En France, les industriels boudaient le bio et n’avaient pas lancé de filières. L’unique sucre de betterave bio provient actuellement d’Allemagne, en particulier du groupe Südzucker, leader mondial du secteur, réalisant un chiffre d’affaires de 7,9 milliards d’euros (source wikipédia, à vérifier) et possédant la filière française Saint-Louis.

En France, premier exportateur de sucre de betterave, l’offre commence à changer. Le groupe Tereos (marque Béghin Says) lance cette année sa première campagne de sucre bio. En quantité anecdotique pour un groupe de cette envergure : 200 hectares de culture en bio contre les  300 000 ha transformé par jour en agriculture conventionnelle. Mais c’est déjà un début. Ce sucre sera destiné à l’industrie agroalimentaire pour remplacer le sucre de canne acheté à ses concurrents (plus d’infos ici). Chouette, nous direz-vous, c’est une avancée du bio. Mais nous sommes plus mitigés, car Tereos c’est le modèle d’une grosse industrie bien loin de nos valeurs.

Fin des quotas du sucre : surproduction européenne pour tenir sa place dans le commerce mondial

  Il y a bien sûr l’échelle démentielle de cette industrie qui nous fait tiquer. Nous parlons en 2017 de 440 000 hectares français cultivés pour créer du sucre de betterave (soit 2,2 tonnes de sucre produites en France? Article du Monde ici).

  Mais c’est aussi le jeu de la surproduction pour rester compétitif sur les marchés qui vient aussi questionner l’éthique de cette production. De 1968 à 2017, le sucre était régi dans l’UE par une organisation commune du marché (OCM) qui fixait des quotas de productions et des prix minimum d’achats aux producteurs. Ce système a été aboli au 1e octobre 2017 et les géants français coopératifs (sic!) du sucre, Tereos et Cristal Union, ainsi que leur concurrent allemand Südzucker, se sont lancés dans la course à la production. Les deux géants français ont fait la cour aux producteurs pour augmenter chacun leurs parcelles de 25% (bel exemple de séduction des agriculteurs avec cette vidéo). S’ajoute à cela des investissements massifs dans la modernisation des usines afin d’augmenter la productivité. Ceci pour s’ajuster aux prix mondiaux et peser plus dans la balance du commerce mondiale.

Sucre équitable : solidarité avec les pays du Sud

  De telles logiques de productions entrainent inévitablement des baisses du cours mondial. Les petits producteurs de canne à sucre, peuvent-ils espérer être bien rémunérés dans de telles conditions? Le consommateur européen est-il incité à acheter du sucre issu du commerce équitable lorsque son prix est 5 fois plus élevé que le sucre de betterave industriel?

A La Carline nous proposons deux sucres de canne certifiés commerce équitable : sucre de canne blond (origine Brésil) et du sucre Panela (complet, origine Pérou) via la très sérieuse coopérative Saldac. Cette coopérative basée à Montélimar créé des filières durables d’approvisionnement en se basant sur des coopératives locales de paysans (plus d’infos sur la filières du Panela au nord du Pérou ici). Elle bénéficie du label SPP, certainement le label le plus exigeant en terme de respect des producteurs et de l’autonomie des peuples autochtones. A ce jour, le Panela est pour nous le sucre le plus éthique et a priori le plus écologique malgré les émissions de CO2 générées par le transport maritime. Pour être certain, il nous faudrait calculer le coût carbone de chaque production et des transports. Ingénieurs qualifiés, bienvenues!

Bientôt une filière de sucre bio français à dimension artisanale?

  Le Gabnor (groupement de producteurs bio du Nord-Pas-de Calais, équivalent d’Agribiodrôme) a peut-être une solution à notre dilemme. Il travaille sur la construction d’une filière de sucre de betterave bio artisanale (plus d’infos ici). En projet, la création d’usines dimensionnées pour transformer de plus petits volumes (100tnes/jour).

Une production intéressante pour les exploitants bio locaux qui profitent des cultures de betteraves pour faire des rotations avec d’autres cultures et utilisent les fanes comme engrais verts. Pour l’instant les recherches sur la transformation n’aboutissent qu’à du sucre liquide (comparables à de la mélasse) et à du sucre roux (ayant subit une deuxième cuisson?). Le sucre liquide pourrait être commercialisé en Biocoop dès l’année prochaine. Nous attendons des échantillons pour tester et vous en dire plus…

Affaire à suivre!