C’était en projet depuis plusieurs mois : réaffecter une partie des résultats de La Carline sur des baisses de marge pour favoriser les liens producteurs-consommateurs.

   Projet enthousiasmant mais réflexion plus complexe qu’elle n’y parait. Car dans les circuits-courts, les prix et les marges font partie des points-clés sur lesquels se cristallisent les discussions pour trouver la meilleure répartition des richesses possible entre producteurs, consommateurs et distributeur.

   Aussi aux derniers conseils d’administrations, les débats ont été denses lorsqu’il a été question de cibler les produits sur lesquels baisser la marge.  Plusieurs options se sont présentées à nous. Pour vous faire comprendre les enjeux et nos choix, nous vous comptons schématiquement les débats dans les grandes lignes :

Option « Accessibilité » : Comment permettre à plus de personnes d’accéder aux produits d’épicerie bio « de base » type pâtes, huile, farine, emmental, beurre… Autrement dit, comment démocratiser l’alimentation biologique?

    Débat : ces produits apparaissent comme « de base » et peu chers dans les commerces conventionnels car ils sont issus de procédés industriels et de matières premières qui ont pu être bradées pour s’adapter aux prix du marché. Ces produits sont aussi sous-margés par les commerces afin d’attirer les clients et leur vendre d’autres produits sur-margés (vente qui leur permettent d efaire vivre leur commerce). Ces produits que l’on pense « de base » sont en réalité des produits d’appel dont le prix ne rémunère pas justement le producteur et ne reflète pas la valeur du travail en amont.
    Après discussion, « faire de l’accessible » de cette manière, aux premières vues une intention louable, serait  finalement encourager les effets de prix néfaste en plus de favoriser la vente de produits qui ne viennent pas du territoire.
 
Option « Accessibilité » sur les produits locaux « de base » pour permettre à plus de personnes d’accéder aux produits bio locaux et paysans : légumes et fruits
    Débat : Les fruits et légumes bio paysans sortent parfois plus chers que les légumes de grossistes, pourquoi ne pas les sous-marger pour les rendre plus accessibles et favoriser leur production? Nos producteurs nous l’on fait comprendre ces dernières années, baisser une marge pour rendre les légumes faits mains au même prix que ceux des grossistes issus de grandes cultures mécanisées, c’est là aussi dévoyer le travail réalisé et même parfois faire concurrence à notre fournisseur qui vend ces mêmes produits en direct à des prix plus élevés. Là encore, toucher au prix pour satisfaire le consommateur, même si le producteur est pareillement payé, n’est pas valoriser son travail, ni aller dans la revalorisation de l’agriculture que nous souhaitons.
Option « Accessibilité produits gourmands » : rendre la pâte à tartiner, l’alcool, la viande moins chers car ils sont peu abordables pour les familles aux revenus modestes

   Débat : C’est aussi une demande de certains de nos producteurs également clients chez nous. Accéder plus facilement aux aliments qu’ils ne produisent pas et ne trouvent pas sur le territoire. Hors de question pour certains administrateurs! La baisse de marge doit avoir une répercussion territoriale et donc favoriser la vente de produits locaux et en filières locales pour continuer d’activer les circuits courts et la dynamique de résilience alimentaire territoriale.

Option « Produits locaux »? : rendre accessible et booster les produits du Diois

   Favoriser le local oui mais il y a « local » et « local ».

   Sur la question de l’échelle de territoire, La Carline s’est arrêtée en 2014 sur la définition d’un produit local comme venant de 75kms routiers ou moins (pas de définition nationale). Pour certains administrateurs, cette échelle est trop large et devrait se cantonner au bassin d’habitants du Diois, globalement de Valdrôme, Bénevise, Cornillon-sur-l’Oule à Vercheny. Car les producteurs de cette zone ont plus de difficulté à trouver des débouchés que ceux plus bas dans la plaine de la Drôme. Pour d’autres, cette échelle est juste car elle prend en compte les spécificités du sol et du climat diois qui rendent la culture de fruits et certains légumes très complexes voir impossible. Cette échelle  de 75kms permet de lier des liens étroits avec des producteurs capables de nous fournir lorsque l’approvisionnement local fait défaut, de créer des solidarités entre territoires aux contraintes environnementales distinctes et plus concrètement, de rendre nos approvisionnements hors Diois transparents et avantageux car sans intermédiaire.

   Puis il y a la question des « filières ». Prendre des produits d’artisans du Diois ok. Mais si les matières premières utilisées ne viennent pas du Diois et ne sont pas d’origine paysanne, peut-on vraiment de produit local? Le contre-exemple parfait est le pain à La Carline. Nos trois fournisseurs se sont engagés à prendre de la farine produite sur le Diois, moulue à la ferme sur meule de pierre. Un cercle vertueux donc qui entraîne une logique de « filière territoriale » comme on dit dans notre jargon. Il faut favoriser les « éco-systèmes » économiques de cette même nature!

Option « favoriser les producteurs-sociétaires pour renforcer la coopération »

   Débat : La coopération c’est un joli concept, mais elle ne se décrète pas, elle s’apprend et se travaille. En 2020, La Carline n’est plus une exception dans le paysage Diois. Elle est concurrencée par d’autres magasins spécialisés et les grandes enseignes de la distribution qui investissent tous les circuits-courts, le bio et les produits en vrac comme nouveau marché d’avenir. Il devient plus aisé pour les fournisseurs locaux de trouver des débouchés. Et moins impératif de s’investir dans notre coopérative. Cet investissement des producteurs locaux, nous en avons besoin pour poursuivre les projets de La Carline et prendre des décisions qui respectent tous les acteurs de la SCIC. C’est les discussions entre consommateurs-producteurs-salariés qui nous permettent d’aller plus loin dans la recherche d’équilibre et de meilleure répartition des richesses possible dans la chaine alimentaire. Donc pourquoi ne pas restreindre cette baisse de marge aux fournisseurs-sociétaires, voir même aux fournisseurs-sociétaires qui participent à nos temps coopératifs (temps de débats et AGs)?

   Au terme de ces débats, nous ne nous sommes pas arrêtés à des prises de décisions claires. Car nous n’avons pas répondu à des question de fond comme l’accessibilité à l’alimentation bio, locale et paysanne pour tous, ni aux questions d’échelle de territoire. Mais nous nous sommes aussi rendu compte que la liste des produits « les plus éthiques » était bien différente selon les angles de vue, devenait très réduite et surtout très compliquée humainement et logistiquement à mettre en œuvre pour l’équipe salariée.

En 2020 : la marge passe de 29% à 25% sur les produits diois

   Donc pour cette année 2020, le choix des baisses de marges a été délégué à l’équipe salariée qui a décidé de baisser la marge de 29% à 25% sur les produits du Diois, sans distinction de sociétariat, d’artisans ou de producteur. Le choix est revenu à chaque fournisseur d’augmenter sa rémunération ou de baisser le prix de ses produits en magasin pour s’aligner avec ses prix de vente directe.

    A ce jour, cette baisse de marge est effective sur la viande de porc, d’agneau et de génisse. Nous mettons en place les changements de marges ces prochaines semaines et elle concernera entre autre le pain, les jus de pommes et de poires, les chocolats Chocolalala, les légumes de Julien Blachon (meilleure rémunération des producteurs), les laitages et fromages de vache, brebis et chèvres, bières de La Bascule, les pâtes de Valdrôme (baisse des prix en magasin), etc.

  Vous serez informés de cette baisse par le logo « Baisse de marge sur ce produits en soutien aux producteurs locaux » ci-dessus. C’est la part de La Carline pour soutenir le Diois et travailler à la résilience alimentaire du territoire. Nous comptons sur vous pour faire l’autre part, en préférant au maximum les produits d’ici.