En juin nous avons fait quelque chose qui nous a beaucoup plu : nous rendre au GAEC T’Air de Famille à Loriol avec notre arboricultrice dioise Toinon Verdet. Et dans l’autre sens, se rendre à la ferme de Toinon à St-Roman.
L’idée? Revisiter des producteurs et productrices dont nous n’avions pas vu les fermes depuis des années, mettre en place les co-livraisons du rayon fruits, évoquer les moyens de La Carline d’encourager la production au-delà de la commercialisation de leurs produits (baisse de marge, relai des campagnes de financement, achat de matériel de conservation). Et surtout, en apprendre plus sur leur travail titanesque pour travailler avec la nature et nous proposer des pommes bios, écologiques et respectueuses de la biodiversité!
La Ferme du Bez : une expérience de plusieurs décennies pour proposer des pommes sans traitement
Jean-Marie entouré de Landry qui participe à la culture des blés de la ferme, et de Toinon qui a repris les pommes
La famille Verdet s’est installée sur la Ferme du Bez il y a plus d’une trentaine d’années. Jean-Marie et Dominique ont suivis des études de médecine avec en tête que l’alimentation saine était la première des médecines : « Mieux vaut prévenir que guérir »! Dominique s’est installée au cabinet médical, Jean-Marie à la ferme (avec Dominique pas loin pour prêter main forte!). Il y a eu les plantes médicinales pour la coop et la conversion du verger en bio avec de longs allers-retours à Grenoble pour vendre les pommes sur le marché. A un moment, Jean-Marie s’est senti tomber malade à cause des traitements « bios » qu’il appliquait sur ses pommes. Il a décidé de laisser tomber tous les traitements : fongicides, insecticides etc. avec le constat que « bio » ne veut pas dire tout le temps « écolo »! Jean-Marie a fait un grand tour de différentes exploitations en France pour trouver d’autres manières de travailler : traitement préventifs « fait-maison », réintroduction des oiseaux etc. Il a fallu être très patient car le verger a chuté pendant presque dix ans (et presque mourir!) avant de refaire surface et de proposer de nouvelles récoltes plus honorables !
Esthétiquement, les pommes des Verdet sortent des apparences conventionnelles puisqu’elles n’ont pas été traitées depuis 15 ans, elles conservent des traces de tavelures (petites tâches brunes créées par un champignon). Mais grâce à la vitalité du sol et au soleil de cette année, la qualité est bien au rendez-vous et ces pommes sont excellentes!
Transmission des activités du verger de Jean-Marie à Toinon Verdet
En 2019, Toinon a repris l’activité pomme de la ferme avec le même esprit. L’ensemble des soins apportés aux arbres, 100% naturels et issus de plantes, a pour objectifs de stimuler les défenses et la croissance des arbres dans le respect de la faune, de la flore, des sols, de l’eau et des humains. Les macérations d’ail, les extraits fermentés d’ortie et les décoctions de prêle agissent dans ce sens. Mais le principal problème reste les gelées du printemps car les hivers se réchauffent et accélèrent la floraison, rendant les fleurs plus vulnérables aux gelées de mai et les récoltes de fruits plus incertaines. Pour stimuler les défenses contre le gel, Toinon a testé cette année les tisanes d’origan, de sariette et de thym. L’approche est holistique et s’inspire de la démarche de la biodynamie.
Nouveauté ! Toinon a investi dans un désydrateur pour transformer les pommes abîmées en pommes séchées. Déshydratées à moins de 55°, elles conservent toutes leurs vitamines lors du séchage. De bons fruits secs issus du Diois, ne passez pas à côté!
T’Air de Famille : les débuts : conversion d’une ferme vers le bio et création d’un atelier de transformation
Yann Houlette lors de son installation il y a dix ans
Nous travaillons avec le GAEC T’Air de Famille depuis une dizaine d’années ! Composé de Virginie et Yann Houlette, c’est surtout ce dernier que nous connaissons. Yann a commencé comme animateur à l’association Agribiodrôme à Die. A force de travailler avec des agriculteurs bios, il a eu envie de se lancer et a trouvé une ferme (« dont personne ne voulait ») à Loriol. Entouré par des grands axes routiers et des exploitations agricoles pas forcément bios, l’endroit n’était pas tout à fait sa destination de rêve mais a permis de lancer le beau projet d’une conversion de ferme écologique. Le premier impératif a été de convertir le verger en bio et d’en planter un nouveau.
Leur première année fut saluée par … la grêle ! Avec du recul, ce fut un mal pour un bien puisque cela les forçat à investir dans un laboratoire de transformation à jus et compotes. D’abord pour valoriser leurs fruits abîmés. Puis pour faire du travail à façon pour les nombreux voisins maraîchers, arboriculteurs et grossiste bio (Agrobiodrôme). Yann et Virginie nous livrent ainsi pommes, poires, prunes, cerises, kiwi, jus et toutes nos compotes!
1e objectif : transformer la ferme en « îlot de biodiversité »
Yann s’est lancé aussi dans la recherche avec la biodiversité. Le constat est partagée entre nos arbos : il ne faut pas travailler contre la nature mais faire travailler la nature pour soit. Aussi suite à plusieurs formations, il s’est plongé dans la réorganisation de sa ferme en expérimentant tous les moyens possibles pour réimplanter les insectes et oiseaux bénéfiques aux vergers : installation de haies et de nichoirs dans vergers pour inviter les oiseaux « à table » à manger les insectes dérangeants, « hôtels à insectes » pour réinviter les coccinelles et perce-oreilles à manger les pucerons, piège à « carpocapses », (les méchantes larves des pommiers!) avec un système de cartons au pied des arbres pour recueillir les larves avant qu’elles ne se transforment en papillons et continuent le cycle de reproduction… Pour lutter contre la mouche « Drozophile Suzuki », fléau des cerises, Yann a d’abord tenté les projections de bicarbonate, sans succès. Il a finalement mis en place des pièges attractifs contenant du vinaigre à l’extérieur du verger et pulvérise du purin d’ails (répulsif) dans le verger, ce qui lui a permis avec le reste de ses expériences, de se passer totalement des insecticides autorisés en bio. Il y a quelques années, il a replanté un verger de pommes avec deux soucis : implanter une « rue d’insectes » toutes les six rangées d’arbres et donner au verger une forme de … coeur en hommage à la famille qui l’a amené vers l’agriculture.
« Hôtel à insectes » en construction
Le verger « cœur »!
A l’automne, Yann lancera une campagne de financement pour construire une mare facilitant la réintroduction des chauve-souris, hiboux et couleuvres. Pour qui n’a pas fait d’étude d’agronomie ou n’a pas d’expérience dans les arbres, les discussions entre les « arbo » étaient plus que complexes (mais passionnantes) à suivre! Ce qui est sûr, c’est que la ferme de Yann et Virginie, qui au départ n’était pas pour eux une destination de « rêve », devient un bel îlot de diversité ! Bravo à ces « arbos » qui ont amené leur fermes vers une transition écologique.
Le vilain carpocapse!
L’arboriculture chez les Volonteux : pêches, poires, kiwi et … plantations tropicales!
Il y a un an, nous avions rendu visite aux Volonteux avec deux administratrices de La Carline, Oda Schmidt, chevrière à Vachères-en-Quint et Valérie Du Retail qui s’est récemment installée dans les petites fruits et poules pondeuses à Die. Les discussions étaient tout aussi passionnées (et difficile à suivre) ! Et nous avons pu voir leurs nouveaux projets : tant qu’à subir le réchauffement climatique, autant planter des fruits tropicaux !
Rémy dans une de ses serres cathédrales
Chez les Volonteux, c’est Rémy Léger qui est en charge de l’arbo et à qui est venue cette idée fofolle d’installer des serres cathédrales financées et chauffées par des panneaux solaires installés sur le toit. Il y a planté des agrumes (de quoi fournir le magasin des Volonteux, pas le notre hélas..), des avocats, du gingembre, du curcuma, des goyaves… Les Volonteux en parlent mieux que nous dans leurs Niouses d’août ici. C’est ingénieux!
Rémy, Valérie et Oda devant un poirier dont La Carline a participé à l’achat en 2017 lors d’un financement participatif
« L’arbo » de chez eux à La Carline c’est : les pêches (2 hectares 5), des nectars, une compote de pêche à tomber par terre … et une compote pomme-pêche issue de la collaboration GAEC T’Air de Famille/Les Volonteux ! Quand les producteurs coopèrent à l’amont, on aime ça !
Et La Carline? Pourquoi travailler avec trois fermes en arboriculture?
D’abord parce que le circuit-court c’est comme une histoire d’amour et de famille : on ne se verrait pas travailler sans l’un ou l’une des trois! (Ouai c’est beau).
De manière plus pragmatique, l’agriculture est de plus en plus soumise aux aléas climatiques. Créer des partenariats avec des territoires dont les micro-climats sont distincts révèle de vrais avantages pour l’épicerie. Dans le Diois, les vergers sont régulièrement touchés par le gel. Dans la vallée du Rhône, ils sont plus exposés à la grêle et au carpocapse. Et enfin on se sait pas pourquoi (c’est la même chose dans le jardin), il a des années où les fameux « itinéraires techniques » marchent et d’autres pas… Donc à chaque début de saison, il s’agit de faire le tour des producteurs et productrices pour connaître leur volumes, leurs variétés, leurs besoins etc. et de se mettre d’accord sur les co-livraisons. Notre volonté est de rester engagé sur la durée et de se montrer solidaire avec les trois lors des années « avec » et « sans »!
En 2020, La Carline innove en achetant des « palox de conservation » pour augmenter la saison « locale »
Cela nous trotte depuis plusieurs années dans la tête. Le bio est en forte demande et les producteurs et productrices locales vendent plus facilement leurs produits : leurs besoins se sont déplacés au-delà des besoins de débouchés. Alors comment fait-on pour que la distribution soit solidaire de la production au-delà de sa fonction de revente ? Une idée nous est remontée par Yann Houlette à la suite d’une année compliquée où il y a eu … trop de pommes ! Car malgré les différences de micro-climats, il y a des années « avec » qui sont les mêmes pour tout le monde. Lorsque les arbres fruitiers croulent sous les fruits (les vôtres aussi), les ventes baissent et il est devient plus compliqué d’écouler les stocks avant la fin de leur conservation en chambre froide. Pour éviter ce problème, Yann nous a proposé d’acheter des « palox de conservation ».
Ces caisses en plastique possèdent un système de contrôle d’oxygène qui permet aux fruits d’être conservés plus longtemps qu’en chambre froide. Nous en avons acheté six pour Yann et Virginie afin qu’ils gardent des poires guyots et william pour La Carline. Et six pour Toinon afin d’allonger la saison de pommes au-delà de mars. Notre but : 1) Tenir plus longtemps la saison de fruits locaux avant de passer aux grossistes! 2) Éviter la casse lorsqu’il y a des années « avec », 3) Éviter aux producteurs et productrices de chercher de nouveaux débouchés au dernier moment.
Ce sont les intentions et les actions menées dans ce sens ! Après quelques années d’exercice, nous savons que malgré nos efforts collectifs, même lorsque l’humain s’allie à l’organisation pour planifier au mieux une année de vente locale, la nature aura toujours le dernier mot !
Si vous, chères lectrices et lecteurs, êtes intéressé.e.s par ce genre de discussions, de recherche et de propositions pour encourager la production locale au-delà de l’offre de débouchés à La Carline, nous vous convions au Café Coopératif du 12 septembre où une table-ronde se penchera spécialement à cette thématique !
Palox de poires Guyot de T’Air de Famille.
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