Rencontre avec Adél Kollar, nouvelle pâtissière à Die.

Très bientôt, nous aurons l’occasion de découvrir un nouveau stand sur le marché de Die le samedi matin. C’est peut-être de subtils stimuli organoleptiques qui nous guideront vers les magnifiques gâteaux de voyage et pâtisseries fines d’Adèl Kollar. La Mâtisserie d’Adèl ouvre ses portes… sur le marché et sur commande pour nous proposer une pâtisserie raffinée, bio et féministe, dans un mélange de pure tradition française et de parfums d’Europe centrale. A La Carline, nous avons eu l’occasion d’y goûter lors de notre dernière Assemblée Générale et ce fut un régal. Avis aux gourmands !

Adèl, peux-tu nous dire à quand remonte ton envie de te lancer dans la pâtisserie ?

Alors moi avant j’ai fait du théâtre en faisant plusieurs métiers dans ce domaine de comédien à metteur en scène. On est venu à Die avec l’envie de changer de vie et je savais déjà que je chercherai une reconversion pro. Je me suis d’abord laissée du temps avec les enfants. Et un matin je me suis réveillée après un rêve dont je me souviens plus, mais en tout cas la conclusion de ce rêve c’était la pâtisserie ! Depuis très longtemps c’était dans un coin de ma tête parce que je suis hongroise et que là-bas, comme dans beaucoup de pays d’Europe centrale, la pâtisserie est très présente dans le quotidien. Nous on va pas au café, on va à la pâtisserie pour se rencontrer, pour parler, pour manger un gâteau et boire un café. Les pâtisseries sont des salons de thé, des lieux de rencontre et de partage.

Et puis j’avais des grands-mères qui pâtissaient énormément et j’ai un peu grandi dans leurs jupes. J’adore aussi la pâtisserie maison, des choses qu’on trouve pas dans les boutiques à Budapest, où l’on essaie de faire de la pâtisserie à la française, qui est une technique extrêmement développée, magnifique, que j’adore. Mais il y aussi ce coté très traditionnel, social de la pâtisserie. Je me suis dit aussi que c’est une manière pour moi de renouer avec mes origines, de transmettre aussi quelques chose autour du bio, de satisfaire mon envie de nourrir le monde, de façon saine… et sucrée !

Comment tu t’es formée à la pâtisserie ?

J’ai suivi une formation pour adultes au CFA à Livron sur un an. J’ai eu la chance d’avoir un prof qui a travaillé dans des structures étoilées, qui était une pointure. Pour la formation théorique, c’était vraiment à pleurer, les livres sont mal faits, tu bosses avec des mauvais produits. Y a aucune prise en compte de l’écologie ou de la qualité des ingrédients. J’ai quand même trouvé que la formation pratique était très bien. J’ai fait 4 stages, le 1er de 3 mois au fournil de Sylvain où la pâtisserie est une partie de l’activité. Après j’ai fait un saut de puce chez Sébastien Bouillet à Lyon, qui est un très grand pâtissier, pour découvrir un labo qui fournit 11 boutiques. C’est immense, des salles partout pour les différentes fabrications. C’est de la haute pâtisserie française en grand.

Après, je suis allée dans les Hautes-Alpes chez ma belle-sœur, qui est apicultrice et qui a un salon de thé où elle transforme le miel en gâteaux. Mais le stage le plus important c’était chez Bastien Girard à Tournon-sur-Rhone, qui a été champion du monde de pâtisserie en 2017. Là c’était incroyable, c’était très classe. J’ai énormément apprécié la qualité humaine, le professionnalisme.

Qu’est-ce qui explique ça selon toi, que la pâtisserie tarde à se mettre au bio ?

On retrouve un peu ces préoccupations dans les grands palaces. On commence à parler de saisonnalité, de bio, mais ça reste marginal. Ducasse parle de naturalité et Alain Passart est lui très engagé dans le bio. Mais c’est pas très accessible au commun des mortels. Les pâtissiers avec qui j’ai fait mes stages ne sont pas forcément intéressés. Y a une grande technicité dans le pâtisserie française, qui s’intéresse d’abord aux aspects visuels et à la conservation. Mais quand même grâce aux pâtissiers d’aujourd’hui, la sucrosité baisse beaucoup. Jusqu’à 50 % de sucre en moins tout en gardant le rôle de conservation. C’est aussi un apprentissage du goût de manger une pâtisserie moins sucrée. Mais je trouve quand même que bien manger est un privilège et la pâtisserie reste à la traîne.

Moi j’ai envie de faire de la pâtisserie familiale, gourmande, multiculturelle, bio, saine. Je trouve mon inspiration dans les livres et dans mes origines. Ce que je cherche, c’est comment faire une pâtisserie saine, en baissant le sucre mais tout en restant dans la gourmandise, pour un maximum de plaisir, j’ai envie que ça ait du goût, que ça évoque plein de choses.

Après, c’est pas évident de travailler en bio, il faut adapter les recettes. C’est une technicité qui demande de l’expérimentation. Je m’inspire de certaines recettes, j’adapte et il y a parfois des ratés.

Tu travailles en 100 % bio ? As-tu du mal à trouver certains ingrédients ?

Je suis à 100 % bio. Comme je démarre, je n’ai pas encore le label mais je vais faire les démarches pour l’obtenir. Je sais comment je fonctionne comme consommatrice : j’ai besoin d’avoir ça pour avoir confiance ; pour moi c’est une garantie.

Sur les ingrédients, on peut quasiment tout trouver. A savoir qu’il y a 3 % de tolérance non bio, notamment sur la pectine. En bio, c’est quasiment impossible à trouver, ça coûte presque 10 fois plus cher et y en a pas chez les grands distributeurs.

Il y a quelques sources d’inspiration en pâtisserie bio mais ça reste marginal avec quelques petits artisans sur les marchés. Je pense qu’il y a aussi des artisans qui ne mettent pas le label bio car ils ont peur d’effrayer les gens pour qui ce n’est pas une habitude de consommation. Le bio pose encore question : la qualité, le prix, etc.

Comment tu te positionnes en terme de prix ?

Je suis dans une structure coopérative qui m’a donné un modèle de calcul de prix de revient et je me cale sur ce modèle qui est très juste. Il faut que je puisse trouver les prix les plus intéressants tout en gardant la qualité. Je ne veux pas fabriquer des pâtisseries pour vendre des parts individuelles à 8-10 euros. A Paris, c’est le prix ! De mon côté, j’ai investi de manière raisonnable, je travaille seule, je n’ai pas de loyer et j’essaie de travailler des compositions qui soient intéressantes, saines et de rester dans des gammes que les gens peuvent acheter. Mais tout dépendra aussi des commandes, de l’évènement, des clients et de leurs attentes.

Est-ce que tu vas proposer des pâtisseries de tes origines hongroises, ou tu vas te situer plutôt dans la tradition française ?

En fait, je mixe les deux et je cherche, je tâtonne… Par exemple, j’ai très envie de faire des brioches mais plutôt type babka. C’est très à la mode, tu trouves ça partout mais ça vient d’Europe centrale. Sinon, y a un ingrédient que j’adore, qu’est la base de notre pâtisserie hongroise, c’est le pavot. Alors qu’en France, le pavot on le connaît pour saupoudrer sur le pain. Le pavot, il faut le broyer d’une certaine manière et puis tu peux faire des crèmes de pavot pour le mettre dans la pâtisserie fine ou les gâteaux de voyage.

C’est quoi un gâteau de voyage ?

En fait dans la pâtisserie, tu as deux chapitres : 1) les gâteaux de voyage, qui ne nécessitent pas de froid ou peu. C’est ce que tu peux emporter facilement, manger avec les doigts : une tartelette, une madeleine, un financier, la viennoiserie. Et 2) la pâtisserie fine, c’est tout ce que tu dois mettre au frigo où il faut une cuillère pour la manger.

Tu t’appelles la Mâtisserie d’Adèl, c’est une revendication féministe j’imagine ?

Oui, quand je suis arrivée dans la pâtisserie, j’ai été choquée de voir à quel point les hommes ont pris toutes les étoiles. Pour la cuisine je savais, mais je ne pensais pas que dans la pâtisserie c’était pareil. La 1ère femme reconnue c’était en 2019, c’est Jessica Préalpato, qui a eu le titre de championne du monde de pâtisserie. Ensuite j’ai trouvé Claire Damon et Claire Heitzler, qui sont des femmes pâtissières avec Johanna Le Pape. Je commence à trouver des femmes, qui ont autour de la trentaine, quarantaine, qui sont des femmes diplômées qui se sont reconverties, qui arrivent à s’imposer dans ce monde des hommes. Cette année, au Sirha, salon de la pâtisserie et cuisine à Lyon, c’est la 1ère année que dans le jury il y a 3 femmes qui ont été appelées. Ça s’ouvre. Pour moi Mâtisserie, c’était un clin d’œil, c’est à la fois de l’humour et pas vraiment. J’ai trouvé que ça sonnait super bien. Et en même temps ça n’a pas de sens, parce que ça ne vient pas de la racine pater. J’ai bien envie de faire un livre sur les femmes qui pâtissent… Je me suis abonnée au magazine de pâtisserie et il y a des hommes partout, c’est juste parsemé de femmes. Mais ça change !

Tu as décidé de rejoindre GRAP, qu’est ce qui t’a décidé à le faire ?

J’ai travaillé dans le théâtre où le collectif est important. J’avais beaucoup de culpabilité à me dire que j’allais créer un labo toute seule, être autoentrepreneur, être coupée de tout. Quand j’ai vu qu’il y avait un système coopératif, hyper intelligent, qui créait de l’emploi, qui était en lien avec la société, je me suis dit c’est un cadeau ! Ça me permet de participer à quelque chose de plus grand.

Sinon concrètement, c’est génial, je suis accompagnée, on m’aide à créer mon activité mais j’ai ma structure, tout ce que je fais revient dans ma structure. J’ai une cotisation pour pouvoir participer à ce tissu. En contrepartie, je n’ai pas à faire ma compta, mon administration et ça me met en lien avec un réseau de distributeurs, de producteurs. En étant toute seule, je n’aurais pas pu travailler avec la réduction de la TVA et j’aurais pas pu être compétitive, je n’aurais pas eu le poids. Avec GRAP et toutes les activités, il y a des prix négociés avec les distributeurs. La Carline me donne aussi accès à ses prix négociés.

Du coup tu t’approvisionnes où ?

A La Carline. Sinon chez Keramis, qui es un distributeur bio à Cavaillon. Ils ont des produits bio français et pas mal de produits pour la pâtisserie. J’arrive à trouver de la gélatine bio, en poudre. Ils ont du beurre français bio en motte de 25 kg. Ça me permet de travailler comme une pro.

Je travaille aussi avec DGF, qui est un grossiste à Valence, plutôt pour le matériel. C’est pas facile de trouver tous les produits. Je prends la farine chez Jean-Marie Verdet mais j’ai encore tout un travail de démarchage à faire auprès des producteurs du diois pour m’approvisionner.

Comment comptes-tu vendre tes pâtisseries ?

J’ai deux créneaux : j’aimerais vendre sur le marché le samedi matin où je vendrai des pâtisseries de voyage : des madeleines, des financiers, des brioches… Sinon, je proposerai bientôt une carte de pâtisseries fines et ça sera possible de commander via Instagram, Facebook ou par mail et téléphone tout simplement. Ça sera possible de venir chercher les pâtisseries chez moi ou de les prendre sur le marché. Ce qui important là-dedans, c’est de ne pas faire du gâchis.

Je veux aussi travailler pour les entreprises, les mariages, les anniversaires mais aussi pour les particuliers. On peut me trouver également à la Maison Oiseaux à Recoubeau, c’est une boutique dans un gîte avec un atelier artistique où c’est possible de manger et boire sur place.

Tu as installé ton atelier chez toi, c’est quoi les avantages de travailler à la maison ?

Ce qui est important, c’est que c’est à la maison et que c’est pas à la maison. C’est un bâtiment neuf qu’on a construit à côté pour faire nos bureaux. Et suite à mon rêve pour dire « tiens si je faisais pâtissière », j’ai décidé de transformer ce bâtiment et de l’adapter aux normes de labo en pâtisserie. C’est sur mon terrain, j’ai pas de loyer à payer et c’est une chance ; et en même temps c’est pas dans ma cuisine, personne ne mets les pieds dans ce labo. C’est tout petit mais il me faut pas beaucoup de place. Mon but, c’est pas non plus de travailler la nuit, je veux travailler à mon rythme, en plein temps mais en journée. Ma priorité c’est la vente sur commande

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Illustrations de Benjamin Chaud

Alors concrètement, pour commander comment on fait ?

On m’appelle : 06 98 19 90 16. Sinon, un mail : contact@lamatisseriedadel.fr

Et c’est possible de consulter ma carte sur mes comptes Instagram ou Facebook : lamatisseriedadel