Dans le Diois, ils font partie intégrante du paysage et rythment la vie agricole. Ils repartent aussi dans la plupart des bagages de touristes… Ce sont bien sûr la Clairette et le Crémant de Die. Connaissez-vous vraiment ces vins ? Ces derniers temps, ils étaient boudés sur les marchés des pétillants, notamment face à la concurrence italienne bon marché des proseccos. Cette année, les confinements leur ont porté un rude coup… C’est un peu la crise dans le monde viticole diois… Laissez-nous donc vous donner la carte d’identité de ces vins dont l’image n’arrive pas à la cheville de leur qualité et vous expliquer pourquoi, cette année plus que les autres, faire la promotion de La Clairette aux fêtes de fin d’année est important !
La Clairette : un nom qui ne vient pas du cépage
La Clairette de Die est composée à 75% minimum de muscat petits grains et complété par de la clairette blanche. Dans ce cas-là, pourquoi l’appelle-t-on clairette? A priori pas pour son cépage du même nom, minoritaire dans son assemblage, mais peut-être plus en résonance avec le terme « clarea », un « vin clair ».. Car la clairette (le cépage), semblerait plus être traditionnellement du Rhône et du Gard.
Côté vignes : Dompter la liane pour la travailler … et lui permettre de survivre !
La vigne, en fait c’est quoi? Une grosse liane ! Au naturel elle survit à proximité des maison ou des arbres, bref, grâce à des tuteurs naturels qui la soutiennent. Mais en agriculture, avec 500 de ses congénères à l’hectare, elle s’affaisse et s’étouffe. Sans l’entretien des humains, elle meure en 2 ans… Les vignes ont besoin de soins à chaque saison : taille et palissage de mi-novembre à fin mars, épamprage de mi-mai à mi-juillet. Entre les deux, les viticulteurs et viticultrices en profitent pour planter de nouvelles souches. Attention ! Compter au minimum 5 ans avant d’obtenir vos premiers raisins et plutôt 8-9 ans pour une production standard. Il faut s’y prendre en avance. Et une fois engagé, on ne change pas d’activité agricole en un rien de temps…
Vient aussi le temps du travail du sol avec le désherbage mécanique, les semis d’engrais verts, qui protègent les sols de l’érosion et restituent de l’azote lorsqu’ils sont roulés ou broyés. Entre mi-mai et fin juillet, c’est le temps des traitements, au soufre et au cuivre, indispensables pour lutter contre les champignons : l’oïdium et le mildiou. C’est l’un des côtés peu appréciable de la vigne, sans traitement au cuivre et au souffre, point de raisins..
La Clairette & la méthode traditionnelle ancestrale : une double fermentation en bouteille et un vin « pas fini »
Après les vendanges, les raisins sont éraflés et pressés au plus vite. Ils sont ensuite stockés dans des cuves réfrigérées entre 0 et 4° pour initier une lente fermentation. Après quelques mois, le jus est mis en bouteille où s’initie la deuxième fermentation et la « prise de mousse » : les levures indigènes (naturellement présentes sur le raisins), permettent la fermentation du sucre en alcool et en gaz carbonique. La fermentation s’arrête définitivement au bout de quelques mois lorsque la clairette est filtrée puis remise en bouteilles. Elle est stoppée avant que les levures n’aient consommé tout le sucre, ce qui permet au vin de prendre ce goût particulièrement fruité et de se doter de ses petites bulles naturelles si particulières.
Le crémant : la méthode champenoise traditionnelle
Pour les nul.le.s dans le vin, osons le dire même si c’est interdit, le crémant de Die c’est un peu le champagne local… En tout cas, il est vinifié de la même façon ! Comme les autres « crémants » régionaux de France, d’Alsace ou de Bordeaux par exemple.
Celui de Die est composé à 75% par de la clairette blanche, par 20% d’aligoté et 5% de muscat petits grains. Les vendanges sont pressées rapidement et le jus est également stocké dans des cuves réfrigérées. Après 4 mois, le vin devient sec et l’on ajoute une « liqueur de tirage » composée de levures et de sucre et embouteille une première fois. La seconde fermentation se déroule aussi dans les bouteilles, couchées sur latte pendant 9 mois. Vient ensuite le temps du remuage, qui à la Cave Achard-Vincent se fait toujours sur pupitres. Les bouteilles sont tournées manuellement et quotidiennement. Le but est d’amener le dépôt résiduel des levures mortes dans le goulot en mettant la tête en bas pendant 3 semaines. A ce terme, les dépôts sont éliminés par dégorgement en trempant le goulot dans une solution à -26°. La bouteille décapsulée, le goulot est expulsé par la pression et l’on comble le restant avec une liqueur « d’expédition » (sucre de raisin). ( Allez sur le site de Côté Cairn pour en savoir davantage !).
Bref, le crémant est un vin sec dont la fermentation est entièrement finie.
Des vins hyper-qualitatifs, dédiés aux fêtes
Il est rare de s’ouvrir une clairette en rentrant du travail, mais pourquoi pas ! Non, en général, les Clairettes et Crémants accompagnent vos apéros festifs ou vos desserts. Ce sont des vins « hyperqualitatifs » qui demandent une culture sur un terroir très exigeant : terres pentues, lourdes, rapidement très sèches en été et soumises au gel en hiver. Le travail à la main est énorme : taille, épamprage et vendange pour la majorité. Puis côté cuve, la vinification demande une grande rigueur et un équipement complexe. Rebref, ce sont des vins de grande qualité.. au prix ridiculement bas face au travail fourni !
Le développement commercial : miser sur les grandes surfaces, une erreur ?
Qui dit que les prix sont bas? Plusieurs « viti » de la région qui nous ont livré leur version à eux, que nous vous transmettons ici (qu’on se le dise, l’autrice, elle, n’y connait pas grand chose et n’a pas eu le temps d’aller glaner les différentes analyses). Tournons-nous vers l’histoire… La Clairette a connu son grand développement dans les années 70, grâce à la cave coopérative Jaillance. Le développement commercial, principalement à travers les grandes-surfaces, a permis de faire connaître la Clairette, créer davantage de demande et de sécuriser les revenus de nombreux foyers. A l’époque il devenait de plus en plus difficile de vivre de l’élevage (avant les aides PAC à l’élevage en 1993), le marché de la brebis s’effondrait avec la concurrence internationale.. En conséquent, le développement de la Clairette a permis à des foyers de re-valoriser leur parcelles vers la vigne et d’en dégager des revenus stables et confortables. La zone d’appellation s’est même agrandi pour gagner le haut-Diois, permettant à des jeunes de s’installer en agriculture..
Mais voilà, pourquoi la Clairette de Die est-elle en crise aujourd’hui? Une explication réside dans son image, qui s’est créée sur celle d’un vin populaire, bon marché, commercialisé principalement dans les grandes-surfaces, où elle côtoie une multitude de vins régionaux et étrangers et où le prix oriente beaucoup l’acte d’achat. Dans cet engrenage, comment défendre un vin de qualité au milieu de pétillants dont les raisins sont récoltés à la machines et qui reçoivent l’aide de intrants pour vous fournir des goûts tout fait homogénéisés par la science… La Clairette aurait peut-être eu davantage sa place dans les magasins et revues de vins spécialisées. Car elle le mérite !
Moins de vignes, plus de maraîchage?
Bon ok, la clairette est en crise et la situation amène des viticulteurs et viticultrices à s’essayer à d’autres cultures. L’impact sur l’économie locale, si nous pouvions le mesurer, n’est-il pas aussi le fait de cette dynamique de trop grande spécialisation des territoires ?
Caricaturons un peu pour mieux comprendre, cette question a été abordée à la table-ronde des 30ans de La Carline en décembre dernier : « N’y a-t-il pas trop de vignes dans le Diois? », « Les cultures ne sont-elles pas trop spécialisées? A un moment les pommes, un autre les vignes, après les noix… La crise ne serait-elle pas l’occasion de passer à d’autres cultures plus essentielles à notre alimentation? « , « Et si nous remplacions les vignes par des légumes !? »
Belle idée, mais en réalité, ce n’est pas si simple..
La plupart des vignes se situent sur les coteaux, avec des terres argileuses pentues et surtout sèches, très peu adaptées à d’autres cultures. A Barnave, où sont implantées une partie des vignes de Côté Cairn, certains se sont déjà essayés aux légumes : terres lourdes, boueuses en hiver et asphyxiées par la sécheresse en été, gel, manque d’eau… Cela n’a pas donné! La zone d’appellation s’est agrandie et peut effectivement prendre la place de terres labourables mais non irrigables…
Le raisin a sa raison dans le Diois ! Le sujet est dense et nous aurions aimé avoir d’autres analyses. Mais le temps pressait car forts fières du travail des viticulteur.trice.s et vigneron avec qui nous travaillons, nous tenions à passer le mot.. vous pouvez être fiers d’offrir et de boire de la Clairette et du Crémant de Die !
Les Domaines de La Carline
A La Carline, trois domaines, tous en bio bien sûr, avec des levures indigènes et des vendanges manuelles.
Le Domaine des Genets
La famille Marcel à Ponet est un domaine familial où se sont succédées cinq générations ! Thierry s’est installé en 2005 et a naturellement engagé la conversion en bio. Il prend soin de travailler au mieux avec la biodiversité et a initié un travail de traction animale. Pour sa clairette traditionnelle, il a opté pour du 100% muscat petits grains, qui rend la Clairette particulièrement parfumée! Plus d’infos ici.
Le Domaine Achard-Vincent à Sainte-Croix et Saillans
Voici un autre domaine où les générations se sont suivies ! Thomas, actuellement à la barre, a repris en 2012 et a poursuivi la tradition familiale : investir dans les machines et tout faire soit-même. Aussi l’ensemble de sa gamme de clairettes : Bio-Sûre, Topaz, Tradition, Privilège, Brute, la sans sulfite ajoutés « La P’tite Gaby » ainsi que le Crémant le « P’tit Jules » sont vinifiés à Sainte-Croix. Un travail titanesque mais passionnant, réalisé aussi dans les principes de la Biodynamie. Plus d’infos ici.
Le Domaine Côté Cairn
Enfin, le Domaine Côté Cairn, une alliance encore récente entre Cyril Copier à Die, Vincent Lefort, Sylvie Hembise à Barnave et Nathalie Brun. C’est un GIE qui lie plusieurs exploitations en biodynamie. Anciennement associé.e.s à la cave coopérative, ces passionné.e.s de la vigne ont alliés leur énergie pour reprendre leur commercialisation en main et transmettre leur amours de la biodiversité et de ces vins qualitatifs. Une Clairette Tradition, un Crémant et une Clairette sans sulfite, ils produisent également un fort bon aligoté, Le Cabanon de Laye, et un délicieux jus de raisin. Plus d’infos ici.
Bonne dégustation !
I leave a comment ! Géniale, encore une fois, votre lettre à nouvelles . On apprend plein de choses, avec du pep’s, et de la passion, on se croirait au pays de la Clairette ! Ah… c’est ça ? vous en êtes … des bises, à la prochaine avec impatience, en 2021. Heu eu ! vous avez lu la nôtre ?