Nous testons depuis quelques semaines une nouvelle variété de banane originaire des Antilles française. Ça change de la « Cavendish » habituelle exportée d’Amérique Latine. L’origine des bananes, voici un sujet de « filière » intéressant. Et pas des moindres puisque la banane est le produit le plus vendu dans les magasins biologiques. Ce fruit est loué pour ses qualités diététiques extraordinaires (notamment pour son caractère alcalinisant). Mais son origine éloignée rend sa chaîne logistique étendue, particulièrement complexe et dépendante des mastodontes de l’agroalimentaire. Nous dépendons donc des grossistes pour son achat et nous ne pouvons nous appuyer que sur les labels pour choisir un fruit qui soit le plus « éthique » possible. Car dans ce commerce de « très » gros, hérité des systèmes colonialistes, les circuits-courts  sont un doux rêve qui relève encore de l’utopie lointaine.. Alors aujourd’hui nous avons le choix entre des bananes labellisées bio et commerce équitable de République Dominicaine ou bio des Antilles françaises. Que choisir? Petit point sur les enjeux autour de ce fruit star.

Bio Française VS Bio Commerce Equitable
Jusqu’à présent, les producteurs des Antilles certifiaient que le climat et les maladies rendaient impossible la culture biologique de bananes dans les Antilles. Nous achetions majoritairement des bananes certifiées bio et commerce équitable de République Dominicaine via un grossiste drômois de fruits et légumes. C’est le produit le plus vendu à La Carline également (14tonnes en 2019, constant pas très agréable pour une épicerie qui préfère booster les fruits locaux!). Cette banane est une variété hybride la plus commercialisée dans le monde, la Cavendish. Or depuis quelques semaines, notre grossiste nous propose une nouvelle variété qui s’adapterait mieux à la culture biologique dans les Antilles, La Pointe d’Or.

   Aussi que choisir entre une banane certifiée bio et équitable d’Amérique du Sud et une banane certifiée bio avec le cahier des charges français ?

Les polémiques : bananes certifiées bio Amérique latine VS bananes antillaises
Il y a en effet eu une polémique autour de l’origine des bananes. En 2017, le groupement des producteurs des Antilles Française UGPBAN a dénoncé une concurrence déloyale des bananes bio d’Amérique Latine (Pérou, Rép.Dominicaine) en soulignant que le cahier des charges bio des Antilles était trop strict par rapport à celui des Caraïbes pour leur permettre de faire des bananes françaises bio compétitives compte tenu des conditions environnementales et de la propagation des maladies dans les Antilles. L’UGPBAN a donc mis en avant « La banane française, mieux que bio, c’est possible ».

   Réalité ou coup de pub, nous sommes trop loin pour savoir. Mais les Antilles héritent d’une longue pratique de monoculture de bananes extrêmement polluante, notamment mise en valeur avec le scandale du Chlordécone dans les années 2000, cancérigène notoire utilisé contre le charançon qui a pollué l’eau, sols etc. Lire ici le très intéressant article de Plein Champ. Alors désir d’entrer sur le marché du bio ou réelle aspiration verte, le syndicat s’est allié à la recherche pour trouver une nouvelle variété moins gourmande en intrants pour résister aux maladies locales et a développée cette nouvelle variété, la Pointe D’Or.  (Lire ici l’Article de Reporterre)

      D’aussi loin et sur un produit dont la filière est aussi compliquée, il est difficile pour nous de trancher sur une solution plus éthique que l’autre. Faut-il favoriser le commerce équitable des pays en développement (République Dominicaine)? Si l’on cherche à soutenir un modèle social fort, ne faut-il pas mieux favoriser les origines Antillaises car le cadre du travail français est plus protecteur? Faut-il aussi soutenir une transition biologique et écologique dans un territoire autrefois très porté sur l’utilisation d’intrants? Ces questions sont complexes et nous n’avons pas assez d’éléments pour trancher.

S’habituer à une nouvelle variété moins dans les standards de consommation
Les « Pointes d’Or » sont plus petites que la variété habituelle « Cavendish ». Leur peau se tâche et se brunit plus rapidement que celle des Cavendish mais la chair se conserve plus longtemps. Et elle est délicieuse! Mais malgré vos tolérances de locavores pour les fruits et légumes « pas forcément canons mais très bons » vous n’y êtes pas encore habitués et vous avez boudés les tâches brunes de La Pointe d’Or lorsque nous l’avons testé (et évidemment, lorsque l’on boude un fruit ou légumes, il décrépit sur l’étale)… Alors entre retourner exclusivement à la très sûre et très prisée « Cavendish » ou passer entièrement à de La Pointe d’Or, nous avons opté pour une option moitié-moitié et nous vous encourageons à faire vos retours sur cette nouvelle banane.

Notre fantasme : après les agrumes, les bananes en direct
Et oui, il y a ce fantasme de la banane en direct et nous avons identifié un producteur avec qui nous souhaiterions travailler : Michel Blondel de La Rougery, pionnier du Bio en Martinique (vidéo absolument à voir ici). Mais comme il nous l’a expliqué directement au téléphone, pour envoyer des bananes en France, il faut un paquebot avec X containers de 50 tonnes de bananes, puis une mûrisserie (groupe Fruidor), puis des transporteurs, puis des entrepôts de stockage et plateformes logistiques en France. Autant dire que même alliés avec GRAP, nous n’y sommes pas! Aujourd’hui, seuls les magasins Naturalia qui dépendent du groupe Monoprix-Casino et sont associés aux groupes d’exportations et des mûrisseries reçoivent les bananes de Michel. Donc pour l’instant, nous nous contentons de La Pointe d’Or..

    Et sinon, bien sûr, vous nous feriez extrêmement plaisir si au lieu d’acheter des bananes, vous préféreriez des pommes Dioises et Drômoises, melons et pastèques de la Drôme en été et des agrumes de Sicile en hiver..