Il y a des articles qui nous régalent de par leur pertinence.. Et qui nous effraient par la réalité qu’ils révèlent! En question ce mois-ci, un grand dossier sur l’agriculture biologique et sa commercialisation dans le Canard Enchaîné. En lien avec notre fonction d’épiciers, notre œil a été attiré par la question de la distribution des produits bios, notamment les orientations que prennent les grandes surfaces et les autres enseignes spécialisées.

Marques historiques du bio et enseignes spécialisées : nouvelle cible des grandes firmes

  Nous le savions déjà, les marques françaises pionnières du bio ont grandit. Et lorsqu’elles gardent leur éthique et approfondissent leur engagement auprès de leurs producteurs, nous nous en réjouissons. Mais il y un hic parmi d’autres.. Lorsque les fondateurs souhaitent revendre l’entreprise, il semblerait que seules les grandes firmes aient les capacités de les racheter. Aussi la sérieuse maison Celnat (céréalier français) autrefois propriété de la famille Celle, se retrouve depuis l’année dernière dans le groupe Ebro, connu pour ses marques Panzani, Lustucru et Taureau Ailé (plus d’infos ici et ici). Si la maison Celnat assure que le changement de propriétaire n’interviendra en rien sur son exigence de qualité et son engagement auprès des producteurs, nous attendons d’en voir les effets les prochaines années. Pour sa part Biocoop aurait déjà pris le parti d’arrêter de commercialiser les produits Celnat.

 Dans le même style, ce sont les enseignes spécialisées qui sont peu à peu rachetées entièrement ou en partie par les géants de la distribution : Naturalia par Casino, So Bio par Carrefour, Comptoir de la Bio par Les Trois Mousquetaires, La Vie Claire par Bjord et Natixis..

 Quelques enseignes spécialisées et sérieuses demeurent indépendantes. Et fort heureusement, c’est l’enseigne coopérative Biocoop qui arrive deuxième place des plus gros distributeurs… après Carrefour!

Des marques phares du bio entrent dans le giron GMS « avec force »

  Dans un autre registre, c’est la guerre des grandes-surfaces avec les marques spécialisées du bio qui fait frémir. Jusqu’ici les marques bio distribuées en GMS et en enseignes spécialisées n’étaient pas les mêmes. Pour des raisons d’éthiques et d’exigence sur les process de fabrication (et peut-être aussi un peu de distinction de consommation non?), les marques habituelles types Celnat, Priméal, Markal etc, n’étaient pas présentes en grandes-surfaces. Tout comme les marques bio grandes surfaces tel Pressade, Bjorg, Jardin Bio etc. ne sont pas commercialisées en magasin spécialisés.

  Ainsi la plateforme Ekibio (qui fournit les produits Pain des Fleurs, Ecodoo, Douce Nature, Biscuits Bisson, Céréales Priméal etc), a toujours refusé de livrer les GMS. Sous pression du groupe Leclerc, le groupe Biodiversité qui détient Ekibio ainsi que Léa Nature (produits bio à destination des GMS comme Jardin Bio), a été contraint de revenir sur ses positions et d’accepter de commercialiser dans les nouveaux Leclerc Bio. Sous peine que les magasins Leclerc stoppent la commercialisation des produits de Léa Nature … Comme le titre le Canard, tout n’est vert, ni beau dans le bio..

Le bio : vache à lait des grandes surfaces

  Rachats des enseignes historiques et des marques phares.. Puis créations de leurs propres magasins bio spécialisés par les grandes firmes… Force est de constater que le bio qui fut pendant longtemps un marché de niche est aujourd’hui considéré d’un autre œil par les « gros ».

  Au point qu’il devienne aussi maintenant la « vache à lait » des grandes-surfaces. Aussi Carrefour dans son grand plan « Marché bio », a embauché l’ancien directeur de La Vie Claire et aménage ses magasins avec de véritables petits espaces « épiceries bios ». Le but, faire de Carrefour le petit magasin de proximité (sic!) et réenchanter ainsi la consommation chez l’enseigne phare.

Du vernis bio sur les vieilles méthodes de la grosse distribution

  Mais là où ça nous fait mal, c’est que la GMS a les moyens de réussir là où nous « petits » distributeurs peinons encore. Ils parent à la pénurie de produits bio en structurant leurs filières. En d’autres termes, ils font du « circuit-court » des producteurs à leurs propres magasins. Carrefour amène ainsi les agriculteurs à se convertir au bio en rachetant leur créances et en finançant leur conversion au bio. Par là, ils acquièrent aussi une certaine pression (ou pression certaine) sur les prix et la rémunération des producteurs. Le tout avec une belle image « verte et éthique » quand ils sont par ailleurs directement responsables de la guerre des prix avec les producteurs de lait, viande, légumes..

  Et à La Carline?

  La tête dans le guidon, les interactions avec vous producteurs et consommateurs et les articles de ce genre nous font forcément prendre du recul sur la manière dont nous faisons notre métier. Les temps de débats sont les plus appropriés pour faire le point avec vous mais en attendant quelque petits points pour vous rassurer :

  *Chez nous : pas de rachat par un grand groupe ou d’incorporation dans un gros réseau. Les propriétaires sont des sociétaires et non des actionnaires. Ils sont 307 en 2019 et ce sont vous! Avec la règle de vote qui nous est chère : une personne = une voix! Et pas de rémunération du capital, les résultats annuels de La Carline sont réinvestis dans la coopérative.

  *Les propriétaires/sociétaires de La Carline sont aussi les différents acteurs du marché : consommateurs, producteurs-fournisseurs et distributeurs. Internaliser les acteurs de l’alimentation dans une seule organisation, c’est évidemment internaliser les tensions mêmes du marché au sein d’une épicerie. Et ce n’est pas sans amener les débats qui vont avec sur le référencement des produits, la marge, la fixation des prix, le choix des fournisseurs, la ré-attribution du résultat annuel réalisé par l’épicerie et la politique salariale.

  Lorsque ces débats deviennent naturellement plus corsés, les avantages de La Carline sont entre autres la transparence, la possibilité de demander des comptes et de s’impliquer dans le conseil d’administration pour peser sur les orientations de la coopérative.

 Pour aller plus loin : L’Assemblée Générale de La Carline, ce sera Samedi 27 Avril et nous ouvrons des postes d’administrateurs-stagiaire pour familiariser les intéressés avant de s’engager comme administrateurs.

Sources :

*La grande distri-bio-ton, « Les groupes de la grande distribution se mettent de plus en plus au bio, pour en tirer une nouvelle source de profit. », Les Dossiers du Canard enchaîné, N151 Avril 2019, pp. 8-11.

*Court-circuit, « Le court-circuit a la cote, même dans la grande distribution », Les Dossiers du Canard enchaîné, N151 Avril 2019, pp. 11-12.

*Plein à Croquer, « Les marques bio sont très recherchées par la grande distribution. », Les Dossiers du Canard enchaîné, N151 Avril 2019, pp. 13-14.