Cela nous faisait envie depuis longtemps ! Deux membres de l’équipe ont profité d’une courte fenêtre de disponibilité pour visiter la pisciculture Paol à Saint-Jean-En-Royans.

La pisciculture Paol c’est d’abord l’œuvre d’un passionné, Stéphane, qui a osé porter un projet à l’époque atypique pour les banques (une pisciculture bio et artisanale, qu’est-ce ?) et aller bien plus loin que ce qu’impose les normes dans tous les domaines : bien-être animal, cahier des charges de la bio, respect des écosystèmes et standard de transformation.

Stéphane s’est installé en 2008 en rachetant une ancienne pisciculture à Saint-Jean-Royan. Il a fallu construire une grande partie : espace d’abatage, laboratoire et équipement de transformation, espace de reproduction, filtre à tambour (pour filtrer les effluents des poissons avant que l’eau ne soit rejetée) etc.

Aujourd’hui le résultat témoigne de ces années de travail intensif : une maison d’exigence reconnue pour la grande qualité de ses produits.

L’élevage, reproduction et transformation : maîtriser les différentes étapes de la production de truites

Nous l’avons vu sur d’autres fermes, la reproduction, l’élevage et la transformation sont des métiers bien différents. Il est plus de coutume de se spécialiser sur une ou deux de ces étapes que de toutes les cumuler sur la même exploitation. Cependant développer les différentes étapes de la filière c’est récupérer de la valeur ajoutée et surtout maîtriser la qualité des différents process de la chaine de A à Z.

Le cycle de vie des truites commence dans les anciennes caves, réaménagées avec petits bassins. Deux fois par an, en octobre et en juin, l’équipe lance la reproduction en effectuant un minutieux travail de sélection et de récupération des ovules et des spermatozoïdes des meilleurs reproducteurs. Une fois la fécondation activée, les œufs incubent 40 jours dans de l’eau à 9°, filtrée aux UV pour éviter les mycoses. Après 10 jours, les alevins ont consommé leur nourriture (sac vitellin) et commencent à être nourris. A chaque pallier de croissance, ils sont déplacés dans différents bassins jusqu’à attendre 4gr, où ils sont lâchés dans les grands bassins de l’extérieur. Chaque fécondation créée environ 110 000 truites.

Stéphane fait partie de l’un des seuls pisciculteurs français à faire de la reproduction en bio. Il vend d’ailleurs une partie de ses très jeunes truites à des ami·e·s pisciculteur·trice·s, un « à-côté » (seulement 5% du chiffre d’affaires de la pisciculture) qui lui tient à cœur pour rester en lien avec ses collègues et pour diversifier son activité en temps de crise.

Une fois sortie de l’air de fécondation, les petites truites sont placées dans les vingt-trois bassins du haut en fonction de leur taille. L’eau de la Lyonne est acheminée par des anciens canaux ouvriers et filtrée en amont des bassins par des dégrilleurs mécaniques. L’eau en mouvement, c’est la base de l’élevage de truite. Elle doit apporter son taux d’oxygénation pour permettre aux truites de s’alimenter et de se développer correctement. Une problématique qui devient plus récurrente ces derniers étés : les canicules, avec la hausse de la température de l’eau et la baisse du débit, mettent à mal le confort des truites. En périodes chaudes, l’équipe complète l’installation avec des aérateurs qui brassent l’eau pour apporter l’oxygène nécessaires aux truites.

Les truites restent entre 14 et 24 mois dans les bassins. 14 mois c’est ce qu’il faut pour produire les truites entières que vous achetez au magasin. A 20 mois, les truites atteignent entre 1kg et 1kg5 et ont la taille suffisante pour être transformée en filet ou en pavé fumé façon haddock. Et à 24 mois, elles atteignent les 2 kilos indispensables pour pouvoir être travaillées en truite fumée.. Depuis quelques années, Stéphane a fait l’acquisition d’un autre site dans le Vercors avec 14 bassins de grossissement pour donner plus d’espace aux poissons. Il a aussi fait le choix de s’équiper mécaniquement dès qu’il l’a pu : « Avant nous passions un jour à faire le tri d’un bassin. Nous avons investi dans une trieuse automatique et maintenant c’est seulement deux heures de temps dont nous avons besoin. C’est du temps gagné pour parfaire d’autres tâches et s’économiser en travail laborieux

Lorsqu’elles sont prêtes, les truites sont acheminées 20 mètres plus loin au laboratoire de transformation. Elles entrent par un côté où elles sont abattues par un système d’électrocution qui leur fait d’abord perdre conscience. Puis elles sont éviscérées et acheminées vers l’unité de glaçage avant d’être mise sous vide (la mise sous glace pendant quelques heures permet d’augmenter la durée de conservation) ou dirigées vers le désarêtage et la découpe en filet ou vers l’unité de fumage où elles sont salées, laissées à la maturation puis passées au fumoir.

La transformation : truites et cuisine généreuse

Ces dernières années, la pisciculture a aussi diversifié la transformation. L’investissement dans de nouveaux équipements leur ont permis de présenter une gamme complète sur les marchés et dans les magasins : une légumerie, un mélangeur, un robot de coupe et un autoclave. Le tout pour cuisiner : soupe de poisson, brandade de truite, quenelles, lasagnes, terrines, caillettes et rillettes en conserves et fraîches !

Et attention, ces produits ne sont pas issus des « récupérations » de fin de chaîne mais sont élaborés avec des ingrédients sélectionnés avec soin : vrais morceaux de chair de truites, les lasagnes, les terrines, caillettes etc. Truites fumée et fraîche pour les rillettes. Beurre, crème fraîche, ciboulette… Attention la qualité et la générosité sont au rendez-vous !

Au final, chaque année ce sont 100 tonnes de truites qui sortent de la pisciculture, en partant de la fécondation in vitro jusqu’à la transformation.

Optimiser la filière pour réduire les déchets : l’aquaponie douce, les farines de poissons et la nourriture pour animaux

Produire c’est bien, optimiser pour gâcher le moins possible, c’est mieux ! Stéphane commence à avoir le recul et l’expérience pour pousser les réflexions de fond avec l’ambition de réduire au maximum son impact environnemental. Il s’agit bien de s’inscrire dans la démarche des pisciculteurs : travailler avec ce que la rivière leur donne et la rendre autant que possible comme avant.

Pour le bien-être animal : la phyto-épuration plus que l’aquaponie

Côté bassin, Stéphane s’est penché sur la très en vogue « aquaponie » pour réduire le taux d’azote particulièrement élevé en période de canicule. L’aquaponie qu’est-ce c’est ? C’est une culture qui consiste à faire pousser des légumes sur les bassins piscicoles. Les légumes sont disposés sur des plaques flottantes qui laissent passer les racines dans l’eau pour se nourrir de l’azote naturellement très présent dans l’eau des bassins (excréments des poissons).

En juillet-août, Stéphane s’y est essayé avec quelques plaques de salades. Les plaques ont permis de créer de l’ombre pour les truites qui en raffolent et d’améliorer la qualité de l’eau en réduisant le taux d’azote.

Mais le même test à l’automne, lorsque le dépit de la rivière est revenu à son stade normal, n’a donné aucun résultat. Il aurait fallu refaire passer plusieurs l’eau dans les bassins pour retrouver un taux d’azote élevé dont ont besoin les plantes : un véritable non-sens écologique qui dégraderait l’environnement des truites et l’eau rejetée en sortie de bassin.

Conclusion : l’aquaponie est pertinente lorsqu’elle est pratiquée dans un environnement dégradé. Mais l’exercer avec une attente de rendement en période de débit normal créerait bien des désastres écologiques. A la pisciculture Paol, l’expérience sera certainement reproduite en période sèche mais l’on parlera davantage de phyto-épuration que d’aquaponie !

Recherche sur la farine de poisson

La recherche ne s’est pas arrêtée aux bassins et côté transformation, Stéphane s’est penché sur la valorisation des arêtes, qui constituent 30% des poissons.

Après la désarétisation, elles servent dans un premier temps comme les recettes le préconisent, à pocher les quenelles ou fumer des poissons. Mais la majorité est envoyée à l’équarrissage. Un résultat encore insatisfaisant pour Stéphane qui aurait aimé développer d’autres projets pour valoriser la filière, à l’instar de la farine de poissons.

Car pour l’instant, la nourriture des truites est un mélange de farines de poissons sauvages (les truites sont des poissons carnivores) et de céréales. Stéphane travaille avec une entreprise bretonne qui fournit un aliment dont il a pu vérifier la grande qualité mais dont la farine de poisson provient d’Amérique Latine comme 80% de la production mondiale. C’est un bel angle mort pour les élevages de poissons locaux !

Valorisé ses déchets et relocaliser l’alimentation de ses truites… Stéphane s’y est penché mais se heurte encore à des problèmes de taille. A ce jour la législation interdit de nourrir un élevage avec un aliment issu de la même espèce. Un pisciculteur ne pourrait pas donc nourrir ses truites avec de la farine de truite mais pourrait nourrir d’autres poissons, l’esturgeon par exemple. Qui dans le cas du Royans est à abandonner car il ne peut être élevé qu’en bassin versant Atlantique… Stéphane continue de se pencher sur la question, avec notamment la possibilité d’utiliser de la farine issue d’insectes. Nous n’y sommes pas mais les réflexions sont lancées !

De la nourriture bio et artisanale pour animaux ?

Une autre idée : valoriser les arêtes et les peaux de poissons en boites bios, saines et artisanales. Un changement de taille pour vos amis animaux de compagnie, manger des mélanger des vrais légumes, céréales et morceaux de poissons bios ! Mais là aussi, les normes sont trop complexes pour développer ces projets, il faudrait créer un autre laboratoire de transformation dédié uniquement à la nourriture pour animaux.

Les projets, vous le comprendrez, Stéphane en a beaucoup sous le coude pour continuer d’améliorer ses procédés et rendre à la nature la même qualité que ce qu’elle lui permet de donner à notre nourriture !

Trouver la bonne taille d’entreprise pour adopter le bon rythme de croisière

Aujourd’hui la pisciculture est reconnue comme une maison de qualité et elle reçoit des demandes jusque depuis la Belgique tant l’offre de truites bio reste peu développée. Cependant, la volonté est plutôt de mettre le pied sur la pédale douce et l’objectif est à la stabilisation : ne pas produire plus, conserver une commercialisation en Rhône-Alpes, finir l’autonomisation de l’équipe de 10 employés déjà très investis et retrouver du temps personnel et familial pour le fondateur… ce sont les objectifs des années à venir !

Les truites Paol et les recettes à La Carline :

A La Carline, les arrivages de truites se font le lundi, le jour même de l’abatage et de la mise sous vide ! C’est l’hiver ok, mais pensez à vos glacières et sacs froid lorsque vous acheter de la truite car les variations de température raccourcissent la durée de conservation.

Vous trouverez deux sortes de truites :

* La truite fario, l’espèce autochtone des rivières européennes. Elles mettent plus de temps à atteindre leur taille adulte mais produisent une chair que les adeptes ne manqueront pas de trouver plus savoureuse.

*La truite arc-en-ciel, une espèce importée d’Amérique du Nord, qui grossit plus rapidement et qui s’est généralisée dans les élevages.

Pour vos repas, et notamment pour les fêtes, vous pourrez proposer des filets de truites à la tapenade ; des truites entières pochées aux amandes, de la vraie soupe de truites confectionnée avec des morceaux de chair, du beurre et des légumes, des œufs de truites et des produits fumés de grande qualité : plateau de truite fumée, truite fumée façon haddock, truite fumée à froid et conserves de rillettes de truite fumée..

Bref, un régal, pensez à vos commandes de fins d’année !